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Baisse du nombre de voitures brulées au Nouvel An : que disent réellement les chiffres de l'Intérieur ?

Léa Deseille & Felicia Sideris
Publié le 4 janvier 2023 à 15h17

Source : JT 20h WE

Gérald Darmanin s'est félicité de la diminution historique du nombre de véhicules incendiés pendant la soirée du Nouvel An.
Le ministre de l'Intérieur a évoqué une nuit calme malgré des événements à Nantes, Strasbourg ou Toulouse.
Retour sur les chiffres du ministère de l'Intérieur et leurs significations.

Cette habitude a la vie dure. Chaque année en France, des centaines de voitures sont incendiées pendant la soirée du Nouvel An. Mais dimanche 1er janvier, Gérald Darmanin s'est réjoui d'avoir limité le phénomène. "L'année 2022 devient celle où le réveillon de la Saint-Sylvestre connaît le moins de véhicules incendiés et le plus d'interpellations", a précisé le ministre de l'Intérieur dans son communiqué.

 Au 1er janvier 2023, on a dénombré 690 véhicules brûlés contre 874 en 2022, soit une diminution de 21%. Des chiffres qui ont provoqué l'étonnement des internautes et de certains élus, qui ont relayé les articles de la presse locale évoquant des troubles dans la nuit. Pour y voir plus clair, TF1info s'est penché sur les chiffres du ministère de l'Intérieur et leurs limites. 

Publier ou ne pas publier les chiffres...

Tout d'abord, ces données sont loin d'être exhaustives et manquent de précision pour permettre de comparer un année sur l'autre. Comment et à quelle heure les remontées sont-elles faites ? Tout le territoire est-il concerné ? Les voitures partiellement brûlées sont-elles prises en compte ? Nous avons contacté le ministère de l'Intérieur pour en savoir plus. À l'heure actuelle, nous n'avons reçu aucune précision ni les chiffres, ni les méthodes.

Il est pourtant vrai que les incendies de voiture ne sont pas rares à la Saint-Sylvestre, comme le confirme à TF1info Sebastian Roché. Directeur de recherche au CNRS, ce spécialiste en criminologie explique que "c'est un problème structurel en France". En 2002 déjà, on dénombrait 388 voitures brûlées et 79 interpellations. Après une augmentation pendant plus de dix ans, on a constaté une forte baisse en 2021, avec 861 voitures incendiées contre 1541 en 2020.

Mais certains chiffres restent parfois confidentiels. Durant plusieurs années, la doctrine du gouvernement consistait à ne pas les publier par peur d'encourager et d'inciter à la violence urbaine. En 2021, par exemple, les seuls décomptes provenaient de la presse. Celle-ci notait que 861 véhicules étaient partis en flammes.

"Le détail des chiffres manque de précision, il est difficile d'y observer une baisse de la criminalité", nous précise Sebastian Roché. "Il est impossible de prouver qu'il y a une tendance à la baisse d'une année sur l'autre, cela est beaucoup trop court, les tendances sont faites d'une succession de variations", argue le chercheur. Par ailleurs, il relève que ces incendies ne sont pas toujours liés à de la délinquance. Certains individus peuvent profiter de l'occasion pour réaliser des fraudes à l'assurance. Les victimes deviennent alors également coupables. En résumé, compte tenu du flou autour de la méthodologie, du caractère parcellaire de certains chiffres et d'une délinquance qui prend plusieurs formes, tirer des conclusions se révèle hasardeux. 

Le chercheur au CNRS montre qu'il n'y a pas de corrélation entre le nombre d'interpellations et les véhicules brûlés les soirs du Nouvel an
Le chercheur au CNRS montre qu'il n'y a pas de corrélation entre le nombre d'interpellations et les véhicules brûlés les soirs du Nouvel an - Sébastian Roché / Twitter

Autre affirmation du ministère : le nombre croissant d'interpellations dans la nuit aurait réduit la criminalité. Pour le réveillon 2023, 90.000 policiers et gendarmes étaient mobilisés et on dénombrerait selon le ministère de l'Intérieur 490 interpellations, soit 11% de plus qu'en 2022. Mais comme le montre le graphique ci-dessus, ces chiffres ne prouvent pas une corrélation entre augmentation des interpellations et diminution de la criminalité. "L'utilisation des chiffres fait partie de la politique, lorsque cela fonctionne, c'est grâce au ministère, et quand ce n'est pas le cas ce n'est pas leur faute", conclut Sebastian Roché.

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Léa Deseille & Felicia Sideris

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