ENQUÊTE - À Grenoble, le racket et les menaces de gangs "mafieux" paralysent les chantiers

par T.A. | Reportage TF1 Octavie COUCHARD, Christophe BUISINE et Camille BRUÈRE
Publié le 20 décembre 2023 à 7h30, mis à jour le 20 décembre 2023 à 10h39

Source : TF1 Info

Vols, menaces, chantage : à Grenoble, les ouvriers de nombreux chantiers subissent un véritable racket.
Comment ce système, qualifié de "mafieux" par le procureur de la République de Grenoble, a-t-il pu s'implanter ?
Une équipe du 20H de TF1 a enquêté sur place.

Un chantier à l'arrêt depuis de longues semaines. À Grenoble, ce genre de scène se reproduit dans plusieurs quartiers de la ville. Les ouvriers ne viennent plus sur certains de leurs lieux de travail, car ils subissent des intimidations, des menaces de vol et de destruction du matériel de la part d'individus anonymes. Ces derniers arrivent souvent cagoulés sur les sites des travaux. Ils obligent les sociétés du BTP à payer pour leur tranquillité. À l'origine de ces méfaits : des gangs, orchestrant depuis des mois le racket organisé des chantiers de la ville.

Sur place, les ouvriers refusent de parler à notre caméra. "On n'a rien à dire, on travaille nous !", lance, sous couvert d'anonymat, l'un des maçons de ce chantier. Dans le milieu des travaux publics, l'omerta règne sur le sujet, même si le problème est identifié de longue date. Notre équipe a d'ailleurs tenté d'en discuter avec un chef d'entreprise de la région, sans succès. 

Face aux racketteurs, les entreprises "préfèrent éviter de répondre aux appels d'offres"

Dans la ville iséroise, ces chantiers font partie d'un vaste chantier de rénovation urbaine. Selon la police, ils sont confrontés à un système bien rôdé, gérés par des délinquants habitant tout proche des zones en travaux. "Les gestionnaires de chantier préfèrent refuser les appels d'offre plutôt que d'aller travailler à proximité de ces quartiers et faire l'objet de menaces et de chantages", explique Yannick Biancheri, secrétaire départemental du syndicat de police Alliance Isère. Certains quartiers et quelques sites semblent pourtant épargnés.

Yassine Hamia, conducteur de travaux pour le géant du BTP Eiffage Construction, emploie des jeunes des quartiers proches. C'est une obligation légale dans le cadre de ce projet de rénovation urbaine, mais aussi une façon de garantir la sécurité du chantier. "On privilégie les personnes du quartier pour leur attribuer des heures d'insertion, indique le responsable dans le reportage à retrouver en tête de cet article. On n'est pas embêtés au niveau du climat du quartier."

Un "système mafieux", selon le procureur de Grenoble

Si ce racket touchait jusque-là seulement certains secteurs, il concerne aujourd'hui toute la métropole grenobloise. Plusieurs acteurs politiques de la région sont en colère. "J'ai déjà dénoncé ce problème il y a quatre ans, déplore Renzo Sulli, ancien maire (PCF) d'Échirolles, une commune de la banlieue de Grenoble. Quand un chantier prend deux mois de retard, ce sont deux mois qui sont lourds à rattraper.

Pour avancer sur le dossier, la fédération du BTP du département, appuyée par la justice, incite les entreprises à porter plainte. "Il s'agit d'énormes travaux, faits pour aller dans le bon sens, qui sont mis à mal par une poignée de personnes", regrette le président de l'instance, Bertrand Converso. Eric Vaillant, le procureur de la République de Grenoble, va encore plus loin, allant jusqu'à qualifier les délinquants de "système mafieux".

Pourtant, pour le moment, les enquêtes piétinent. La peur des représailles bloque les témoignages utiles pour remonter jusqu'aux auteurs des faits. Le nombre de rondes policières quotidiennes dans les zones des chantiers devrait aussi augmenter, promettent les autorités.


T.A. | Reportage TF1 Octavie COUCHARD, Christophe BUISINE et Camille BRUÈRE

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