Près de 4000 engins de chantier ont été dérobés l’an dernier.Désormais, les trafiquants usurpent l'identité d'une entreprise de BTP pour passer des commandes qui disparaissent ensuite dans la nature.Un chef d’entreprise victime de cette arnaque témoigne.
C’est une famille effondrée et surtout endettée. Pascal et Estelle Bariller avaient une entreprise de location d’engins. Quatre chariots élévateurs, trois pelles mécaniques ont été volés sans effraction. Les escrocs ont usurpé l’identité d’une vraie entreprise du BTP puis ont falsifié les documents officiels. Ils sont même allés jusqu’à louer un local temporaire. Pascal n’y a vu que du feu. "On livre le matériel à leur dépôt. Ce n’est pas sur une adresse de chantier. Je vais voir le patron, je le vois en face de moi", assure Pascal. "N’importe qui se serait fait avoir et en fait, on se rend compte qu’on n’était pas les seuls", ajoute Estelle dans le reportage du 20H de TF1 visible en tête de cet article.
Un préjudice total de 300.000 euros
Quelques jours plus tard, alertés par des confrères, ils découvrent la supercherie. Les engins ont disparu et les chèques sont en bois. "Ça représente 12.210 euros pour un mois de location", explique Pascal. Le préjudice total est estimé à plus de 300.000 euros. Seule une partie est prise en charge par les assurances. Conséquence : c’est la fin de l’entreprise familiale. "Moi j'ai licencié mes enfants dans l’histoire et c’est le début de l’enfer parce que la liquidation judiciaire, autant vous dire que c’est l’enfer. On ne le vit pas bien parce que ce que j’ai créé, c’était mon bébé et il est mort", confie Pascal. "Moi, ma situation actuelle, c’est un licenciement économique, donc je suis au chômage, à la recherche d’un travail", poursuit Estelle.
Ces voleurs se sont aussi attaqué à plus gros. Cyrille Singeot, chef d’entreprise, a perdu trois engins de sa flotte. "C’est le type de pelle qui est le plus apprécié des voleurs en général. Ce sont des machines qui sont transportables sur remorque", explique-t-il. Des engins très difficiles à retrouver car ils n’ont pas de plaque d’immatriculation mais juste un numéro de série peu visible et facile à effacer. "Effectivement, c'est des machines qui valent beaucoup plus cher à l’achat qu’une voiture haut de gamme. (...) Et ce sont des choses qui sont très peu contrôlées. Comme il n’y a pas de carte grise, c’est facilement volable. Il suffit de montrer une facture, la police ne va pas vérifier sur un fichier parce qu’elle n’en a pas", reprend Cyrille.
Des filières d’Europe de l’Est
L'an dernier, près de 4000 engins ont été dérobés. Qui sont les voleurs ? Nous avons posé la question à un policier. "Sur ces grosses affaires, on est sur des filières, certainement avec l’Europe de l’Est. En revanche, on peut avoir, comme ce fut le cas dans l’est de la France, des individus à deux ou trois qui montent leur escroquerie et qui sont beaucoup plus simples à gérer", déclare Yann Bastière, délégué national investigation de l’unité SGP police FO.
Pour anticiper ces vols, il existe un recours : un antivol connecté fabriqué en Gironde. Depuis un téléphone, on peut connaître la position exacte de l’engin à tout moment, et si les voleurs veulent l’arracher, l’inventeur a tout prévu. "Il y a deux modes de fixation : une version collée, c’est une prise complète au bout de 72 heures. Après, vous l’enlevez à la masse. On a aussi une version vissée avec des écrous sécables. Là aussi, la seule façon de l’enlever, c’est la meuleuse, et encore une fois, toute tentative de destruction du boîtier va générer une alerte agression", explique Pascal Lavaur, le créateur.
Des constructeurs développent aussi leur propre traceur indémontable. Désormais, certains les installent systématiquement sur leurs engins les plus chers.